S'il est une belle revue aujourd'hui fabriquée en France (Made in France !), c'est bien "Travers".
Pour vous
allécher d'entrée de jeu, je vous dirai, renseignements pris, que son
papier est un Colombe de 400 gr, pur chiffon, réalisé à la main et fabriqué
avec des chiffons de couleur ou des pigments naturels, à barbes de rives
et bords irréguliers.
ça vous en
bouche un coin, n'est-ce pas ? En même temps, les partisans de la tradition (ça
a du bon aussi) y trouveront leur compte, puisque la couverture a été tirée à
la main sur presse à épreuves.
En résumé, rien
que par le choix de ses matériaux, "Travers" a un très bon rapport
qualité prix (30 €, plus 7 € de port).
Bref, dans mon
langage à présent, ce qui m'a plu tout d'abord, dans ce numéro 58 de
"Travers", c'est sa présentation. Il n'y a plus d'agrafes qui
fixent les pages en un seul et unique ensemble. Cette revue est comme une
maison dans laquelle les fenêtres sont des enveloppes, avec à l'intérieur, les
témoignages des proches de Gaston Chaissac (1910-1964), l'artiste brut et
de Jules Mougin (1912-2010), le poète facteur. Quant à la pièce principale, il
s'agit d'un choix de 23 lettres détachables qui se présentent sous un
bandeau de papier kraft, échangées entre ces deux là, Gaston Chaissac
et Jules Mougin, entre 1949 et 1962. D'abord les lettres de Chaissac à
Mougin puis de Mougin à Chaissac. En fac-similés et en traitement de texte.
Avec ces deux
clients, vous pouvez être tranquilles. Vous passerez nécessairement un moment
d'exception, surtout si vous êtes doué de cette qualité appelée
sensibilité, qui n'est pas toujours partagée par l'ensemble des humains,
mammifères dits supérieurs.
A ce petit
jeu, si les lettres de Jules Mougin dénotent un plaisir de vivre que je
qualifierai de solaire, celles de Gaston Chaissac sont
véritablement uniques. Cet homme là avait le génie de la spontanéité, même
si ce n'est qu'apparence. S'y exprime, dans un français approximatif, une quête
qui va bien au delà d'une simple recherche de nouveau langage ou du faire du
fric avec l'art. Car Chaissac, dans ses lettres, est toujours inquiet. Et ça se
sent. Il s'interroge en permanence au sujet de la plus juste expression
artistique, comme Van Gogh le faisait plusieurs décennies plus tôt.
Je ne connais
pas beaucoup d'artistes capables de monter ce qu'ils ont dans le
ventre, semblant d'ordinaire plus forts pour la parade.
Ainsi,
ces 23 lettres constituent un témoignage de vie dont vous refuserez de
vous séparer, une fois en sa possession.
Allez, pour
finir un bon conseil de Gaston Chaissac : "homme du peuple, évite de
travailler pour un patron d'opinions cléricales. Crains moins en lui
l'exploiteur de sueur humaine que le "hongreur" qui annihilera tes
dons".
Ci-dessous, si
je puis dire, image de "travers" de la revue, et si vous souhaitez
vous procurer la revue, vous pouvez écrire à Philippe Marchal, 10 rue
des Jardins, 70320 Feugerolles.